domingo, 19 de maio de 2013

Les étudiants craquent

Il est des initiatives démocratiques dont on regrette la désuétude, à l'instar de cette récente lettre ouverte de Clara G. à François Hollande. Début mai, la jeune étudiante de 20 ans a exprimé à son président sa colère et son désarroi face à l'absence d'opportunités en France. Désabusée, cette "mauvaise citoyenne" selon ses propres mots, ne voit son avenir briller qu'à travers l'expatriation. A défaut d'exprimer haut et fort l'avis de tous les étudiants, la lettre a ouvert les portes d'un dialogue générationnel et démocratique. Les réponses fusent désormais sur la toile et l'on peut enfin mettre des mots sur le malaise de la jeunesse. Selon un sondage Viavoice publié en avril pour W-Cie, 50% des 18-24 ans et 51 % des 25-34 ans ont répondu oui à la question "Si vous le pouviez, aimeriez-vous quitter la France pour vivre dans un autre pays ?", contre 22 % pour les personnes âgées de plus de 65 ans. C'est le constat de départ de Clara G. 20 ans étudiante en deuxième année d'histoire à la Sorbonne. Dette nationale abyssale et chômage élevé, cotisation pour des retraites de plus en plus nombreuses et stagnation du pouvoir d'achat, les perspectives sont effrayantes pour la jeune génération qui envisage de plus en plus de s'expatrier. Une véritable "fuite" selon l'étudiante, un repli stratégique vers l'étranger devenu de plus en plus attractif pour entrer dans le marché du travail. "Voyez vous les temps changent, explique Clara au Président. Mes grands-parents soixante-huitards avaient eu la tentation de la révolution, j'ai la tentation de l'expatriation". Un nouvel espoir Benjamin témoigne sur l'étudiant.fr, il s'est expatrié au Texas pour vivre son rêve de viticulteur dès la fin de ses études. Il n'envisage pas du tout de revenir en France, comme quatre expatriés français sur dix selon un sondage Mondissimo. Le Québec également fait rêver tous les étudiants, idéal pour finir ses études ou pour un premier emploi il bénéficie d'une très forte popularité depuis quelques années. Malgré le récent "Printemps d'érable", les cursus sont porteurs et les opportunités sont nombreuses dans la Belle Province. Hiérarchie plus souple, facilités administratives et fort esprit d'entreprenariat sont de rigueur ici. Même les crèches sont vacantes, un plus non négligeable pour certains jeunes couples désespérés de la saturation parisienne. D'autres pays lointains, comme l'Australie, font rêver, même si tout n'est pas rose aux antipodes (voir l'article de notre édition de Melbourne : Vivre en Australie, après le rêve, la réalité) Car en France, d'après Clara G, c'est no future : "Le plus déprimant, c'est de savoir très exactement de quoi sera faite ma vie si je reste en France. Une fois mes études terminées, une fois mes beaux diplômes inutiles obtenus, je rejoindrai sans doute d'abord les rangs fournis des jeunes chômeurs avant d'enquiller pendant des années les stages et les CDD (...). Et si jamais, par une sorte de miracle improbable, je venais à gagner beaucoup d'argent, je sais d'avance que non seulement je devrais en reverser l'essentiel au fisc, mais que cela me vaudrait aussi l'opprobre général de mes concitoyens et votre mépris personnel". Rester en France ? La lettre ouverte a suscité de nombreuses réactions, et à défaut de connaitre celle de François Hollande, ces réponses faites à Clara sont intéressantes : Marie Charlotte sur Madmoizelle rappelle que la situation française est loin d'être la pire, que ce soit pour le système de santé, pour les frais de scolarité ou pour la parité. Elle propose ainsi de rester en France en profitant un maximum de ses avantages sociaux, consciente de la crise, elle semble fermer les yeux dessus. Sofiane lui, prend le contrepied : l'expatriation bien sûr ! Mais pourquoi la vivre comme une fuite alors que c'est une véritable chance ? Selon lui, à vingt ans tous les choix sont encore à faire et ce n'est pas l'Etat qui est responsable d'un "banal blues de la vingtaine". Et Sofiane de conclure sur une citation de Joseph Schumpeter "entreprendre consiste à changer un ordre existant". Une façon de dire qu'il n'y a pas de fatalité et que tout reste à faire, à condition de prendre les devants...